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Les clés de l’écriture #11 - Rendez les autres personnages indispensables

19 mars 2018
— CLÉ # 11 —


Rendez les autres personnages indispensables


Pour gagner l’intérêt du lecteur, vous devez faire en sorte qu’il apprécie autant les personnages secondaires que le protagoniste æ l’antagoniste. Plus ces personnages comptent, plus votre récit sera passionnant. Tant que cette myriade de personnalité sera le garant de l’intérêt et de l’émerveillement du lecteur, vous n’aurez rien à craindre. Faites en sorte d’équilibrer les péripéties de l’intrigue et les comportements des personnages pour donner envie de lire la suite.

La compassion appelle l’attention. Le lecteur s’attache rarement à des personnages s’il ne ressent pas de l’empathie compte tenu de ce qu’ils subissent ou doivent surmonter. Si un personnage n’est pas impliqué dans le conflit principal qui oppose le protagoniste à l’antagoniste, il n’a pas sa place dans le récit. Si, d’un autre côté, son rôle est déterminant ou apparaît comme tel et que les autres dépendent de lui pour leur propre objectif, alors il peut marquer les esprits et susciter la curiosité indépendamment de sa personnalité. Il faut savoir distinguer la caractérisation d’un personnage de son implication dans l’histoire. Le récit devient captivant lorsque les autres personnages concourent à la résolution du conflit æ permettent au protagoniste d’atteindre son objectif. Vous devez, selon les aspects de la dramaturgie que vous maîtrisez le mieux, imaginer et échafauder un récit tel qu’en quelques pages, et malgré l’effort nécessaire pour plonger dans votre univers, le lecteur s’attache aux personnages, s’inquiète pour leur sort et partage leurs aspirations. Alors il aura envie de lire la suite pour savoir ce qui leur arrive et ce qu’il devienne.

Le principe est limpide : rendez chaque personnage utile. Si le fait d’inclure un personnage pénalise l’intrigue voire la complexifie, abstenez-vous. Il y a de nombreux moyens pour parvenir à telle fin ; le meilleur est d’attribuer un talent, une fonction ou une compétence absolument nécessaire pour le protagoniste et lui garantir la victoire. Veillez à ce que tout personnage secondaire se rende nécessaire en toute occasion. Le lecteur aime mieux suivre les aventures des personnages qui font preuve d’initiative que des personnages dépendants et attentistes. Nul besoin d’employer des archétypes ; il suffit qu’il dispose d’une capacité inédite qu’aucun autre personnage ne soit en mesure de faire. Il faut que le protagoniste ait besoin distinctement de certains personnages sans pour autant que le rôle de l’un se fasse au détriment d’un autre. Et s’ils ne sont pas réellement indispensables et qu’ils remplissent une autre fonction sans implication dans le conflit ou l’évolution du protagoniste, il faut que l’histoire semble ne pouvoir se passer d’eux et que le lecteur ait plaisir à les suivre.

L’astuce consiste également à faire en sorte que les autres personnages participent à l’évolution du protagoniste, lequel changera au fil des rencontres, des épreuves et des déconvenues. Quand ce dernier l’emporte sur l’antagoniste sans forcer la main aux autres personnages ou sans leur nuire et quand leur aide ou leur utilité apparaît cohérente avec l’histoire, votre intrigue déteint une indéniable force. Le meilleur moyen de parvenir à cet effet est de créer une relation de dépendance ou de coopération. Le protagoniste a besoin des autres, il est faible, ou incapable de progresser sans les autres personnages ; faites-en sorte de lier étroitement leurs routes que le fait de les séparer lui apporte les plus grandes difficultés, ou du moins vous épargne un temps précieux à créer d’autres personnages avec une fonction similaire. Assurez-vous que chaque personnage soit le seul à faire ce qu’il fait, que leur vie et celui du protagoniste soient inextricablement liés. Une fois une telle relation établie, vous avez une bonne amorce narrative et le potentiel pour développer un récit qui emportera le lecteur.

Il peut sembler commode de penser que le protagoniste ultime doit être indépendant et progresser grâce à son unique volonté et ses seuls efforts. La réussite implique cependant des relations entre des personnages ; le protagoniste aura toujours besoin des autres comme alliées, comme soutien ou même comme associés. Le protagoniste totalement indépendant ne confère aucune épaisseur au récit : il agit, mais il n’a pas d’intérêt. L’idéal est de faire dépendre les autres de lui au point que le protagoniste brille à travers une indépendance inversée : c’est le besoin que les autres personnages ont du protagoniste qui lui donne son importance, voire l’auréole de noblesse au point que le lecteur l’admire.

De plus, évertuez-vous à cerner leurs aspirations profondes plutôt que de jouer au marionnettiste en poussant les personnages où vous le souhaitez. En effet, tenir les gens en haleine, c’est la politesse élémentaire pour un auteur ; s’en tenir à la caractérisation d’un personnage, voilà une chose moins aisée. Car il peut être tentant d’y déroger au profit d’impératifs scénaristiques à dessein de créer un retournement qui surprend le lecteur. Or ce dernier doit être surpris par un élément auquel il ne s’attend pas, non par un comportement qui n’est pas cohérent avec un trait de personnalité. Quand l’intrigue n’est plus menée par les agissements des personnages, mais que ces derniers sont manipulés, le récit perd de sa substance et le lecteur risque de déceler les décisions de l’auteur derrière certaines actions. Les personnages doivent subir les péripéties, et certainement pas votre volonté. Le seul moyen de ne pas tomber dans ce travers repose soit sur une construction minutieuse du récit en amont, soit il implique de se laisser guider par les agissements de ses personnes. À partir du moment où vous serez surpris par votre création, le lecteur le sera forcément.

Un autre point : n’imaginez pas que la qualité d’un personnage ne repose que sur les interactions et les relations qu’ils possèdent avec le protagoniste ou l’antagoniste. En fait, le risque est de rendre les personnages secondaires sans consistance. Le pire étant de réduire le rôle majeur du protagoniste. Il est possible de contrôler les actions de ses personnages ; mais pas l’appréciation qu’en tirera le lecteur. Inutile de vouloir contrôler son ressenti, cela n’engendre que des récits complaisants, peut-être distrayants, mais sans profondeur et sans éclat. Mieux vaut que les personnages dépendent d’eux mutuellement par nécessité, pour ensuite tisser des liens d’amitié et d’affections entre eux plutôt que de les animer d’abord par la sympathie pour ensuite que leurs rencontres soient gouvernées par le besoin. Ainsi, le lecteur préférera suivre des personnages qui évoluent au point d’agir au profit d’autrui et au détriment de leur propre intérêt.

Cette clé d’écriture comporte une faiblesse : lier les autres personnages au protagoniste le rend dépendant d’eux. Essayer de le dépasser signifie se débarrasser de ceux pouvant apporter leur concours – c’est-à-dire laisser le protagoniste seul, ne se liant à personne. Tel est le ressort des tragédies où un personnage évolue sans le moindre soutien face à des puissances qui le dépassent, ce qui revient à éliminer toute aide et conserver que les personnages faisant obstacle au protagoniste. Faire en sorte que le protagoniste se mesure à tout le monde augmente l’incertitude quant à sa quête et intensifie le conflit au centre du récit.

Toutefois, pareil procédé a un prix : l’isolement. Tout protagoniste progressant par lui-même évolue très peu psychologiquement et les efforts déployés paraissent peu crédibles. Cela suscite moins d’empathie de la part du lecteur, car cet isolement peut être perçu comme de l’obstination. De plus, le chemin qui mène le protagoniste à atteindre son objectif s’avère plus long, sinueux et pénible, et donc potentiellement ennuyant. Certes, un protagoniste qui réussit tout tout seul impressionne, mais il peut aussi lasser. Autrement dit, associer au protagoniste des personnages secondaires demeure plus efficace que d’écrire une aventure solitaire, qui reste plus difficile à maîtriser d’autant qu’il y a moins d’occasions d’explorer la personnalité avec des dialogues. Mieux vaut placer le protagoniste dans une position où il doit s’allier plutôt que rechercher une victoire individuelle.

par Ostramus 10 mars 2018
— CLÉ # 10 — Ciblez le malheur et soignez les interactions L’intrigue peut mourir du malheur d’un personnage : les drames ne sont pas gage de qualité. En voulant relater des destins tragiques qui ne concernent pas le protagoniste, vous courez seulement à votre perte. Les personnages ternes attirent l’indifférence, sur eux-mêmes et aussi, peut-être, sur l’ensemble du récit. Préférez des personnages dont les interactions entraînent un conflit ou à l’inverse, font progresser l’Histoire en aidant le protagoniste. Dans le domaine de l’écriture, apprenez à anticiper l’effet à long terme du comportement, et en particulier des agissements de votre protagoniste envers les autres personnages. Le problème, c’est qu’en campant obstinément sur ses positions, voire en refusant de changer de méthode, le lecteur ne peut pas concevoir de l’intérêt pour un personnage dont il connaît le fonctionnement. Le récit peut avancer, mais le protagoniste ne changera pas intérieurement, pire le conflit tendra davantage à la stagnation plutôt qu’à une résolution. Dans un autre contexte, des dialogues écrits sans utilité peuvent nuire à l’histoire : toute réplique revêt une pertinence ambiguë en fonction de son sens ou de la manière dont elle fait progresser l’intrigue. Même les meilleurs dialogues ne sont pas systématiquement nécessaires et le lecteur se montrera toujours plus happé par des scènes d’action plutôt que de discussion. L’enjeu ne porte donc pas tant sur la quantité de paroles échangées entre les personnages que la manière dont le discours illustre le conflit principal au cœur du récit qui motive le protagoniste à atteindre son objectif. Lorsque le malheur accable le protagoniste, notamment à la suite d’un concours de circonstances sur lequel il n’a aucun contrôle, il attire chez le lecteur son soutien et sympathie. Et puis, il y a les autres personnages, ceux qui enchaînent les déconvenues soient parce qu’ils sont mal caractérisés, soit parce qu’ils s’accordent mal avec l’intrigue et finissent par lui nuire. Ce serait bien si nous pouvions les corriger, changer leur schéma de pensée, améliorer leur implication dans le conflit qui sous-tend votre histoire, mais le plus souvent ces personnages déstabiliser le récit au point de menacer l’importance même du protagoniste. La raison en est simple : nous nous sommes parfois trop attachés à ces êtres de papier et il nous coûte d’apporter des modifications, voire de sacrifier, des personnages qui ont initialement demandé beaucoup de travail ou qui reflète un aspect de notre propre vie sans que cela soit pertinent pour le récit. Comprenez bien ceci : dans la poursuite de son objectif, ceux avec qui le protagoniste interagit ont une importance cruciale. Le risque que vous courez en l’associant à des personnages négatifs est de perdre ensuite beaucoup de temps et d’énergie en réécriture. Eviter de verser dans le pathétique et la négativité quand ça ne concerne pas le protagoniste, sinon le lecteur ressentira de l’apathie au lieu d’empathie. Il n’y a qu’un remède : acharnez-vous seulement sur le protagoniste. Il est un adage en écriture : si le protagoniste est à terre, frappez-le. Autrement dit, si vous comptez noircir le tableau, empirez sa situation plutôt que celle de personnages secondaires. Cependant, le temps de prendre conscience du problème, il est souvent trop tard. Comment protéger votre histoire contre un mauvais dosage ? Il faut juger les personnages sur leur utilité vis-à-vis de l’intrigue et non sur leur apport à la tonalité du récit. L’effet prime sur la qualité. Ce type de personnage est reconnaissable par le peu d’information qu’il révèle, l’absence d’aide ou d’obstacle qu’il fournit au protagoniste et ses apparitions ponctuelles qui ne sont pas vraiment justifiées, si ce n’est votre désir au détriment de la logique du récit. Plus important que tout, ne cherchez pas à susciter un sentiment de pitié, ne vous laissez pas dépasser par des personnages au risque de vous perdre dans des sous-intrigues sans intérêt. Méfiez-vous donc de ces signes : apprenez à analyser l’impact sur le texte, et plus largement, sur le plaisir du lecteur. À l’inverse, il existe des personnages avec une incidence plus efficace et plus facile à maîtriser : certains enrichissent l’histoire par leur profondeur, leur complexité et leur intelligence. Le lecteur aura plaisir à les suivre et les retrouver selon certaines péripéties. Débrouillez-vous pour renforcer leurs liens avec le protagoniste afin qu’ils participent à sa transformation en vue de lui permettre d’atteindre son objectif. Utilisez à votre avantage leur singularité. Si par exemple votre protagoniste est introverti, ce trait de caractère le limitera et il peinera à s’épanouir. Associez-le donc à des personnages volubiles ou exubérants et, progressivement, le protagoniste changera. Il ne faut pas hésiter à exploiter des personnalités opposées, non pour engendrer du conflit, mais pour du contraste pour mettre chaque personnage mutuellement en valeur. Ne vous hasardez jamais à faire intervenir des personnages qui partagent les mêmes défauts que le protagoniste, car ceux-ci se renforceraient, leurs qualités s’amenuiseraient si bien que le protagoniste ne ferait aucun progrès. Fondez les relations entre personnages essentiellement sur leurs différences et sur ce qu’ils peuvent s’apporter l’un à l’autre avant de travailler les sentiments qu’ils éprouvent l’un envers l’autre. D’ordinaire, le malheur est un effet dramatique par facilité ; et il n’y a point de procédé plus dangereux que créer artificiellement de l’incertitude et de l’angoisse pour le lecteur. Raisonnez en termes d’obstacles et d’épreuves plutôt qu’en émotion et en ambiance. En somme, élaborez des personnages utiles et originaux, voire paradoxaux, et évitez ceux aux destins misérables et sans importance pour le récit.
par Ostramus 1 novembre 2017
— CLÉ # 7 — Faites fonctionner l’imagination du lecteur Utilisez l’imagination, la connaissance, la culture du lecteur pour que votre univers prenne vie dans son esprit. Cette méthode ne vous épargne pas seulement du temps et de l’énergie précieux, elle vous apporte une aura artistique d’efficacité et d’originalité. À la fin, le lecteur oubliera vos éventuels défauts et se souviendra de l’histoire. Ne décrivez jamais vous-même ce que le lecteur peut imaginer pour vous. L’écriture a la même dynamique qu’un théâtre : il y a des personnages et des décors, mais il y a aussi un public qui réagit en fonction des scènes. Le lecteur est spectateur, en tout cas passif, et ne se montrera pas enclin à imaginer quoi que ce soit puisqu’il est dans une position d’attente et de découverte, non d’invention et de participation. Toute l’astuce consiste pourtant à renverser les rôles pour qu’il prenne part à l’élaboration de votre monde. Le lecteur peut rapidement comprendre les composants essentiels de votre récit, de vos personnages, et percevoir la mécanique sous-jacente de votre univers. Il peut ainsi anticiper ou deviner d’autres aspects pourtant dissimulés ou peu explicites. Soyez déjà conscient que malgré tous vos efforts pour rendre la narration la plus précise possible, le lecteur vient à imaginer ce qu’il veut, et se fera parfois une image différente de ce que vous aviez en tête. Cela n’a rien d’une fatalité et ne constitue pas vraiment un inconvénient. Mieux vaut assumer le différentiel entre vos idées et la manière dont elles sont perçues de sorte à l’utiliser à votre avantage. Une fois que vous avez établi les règles de votre univers et les principaux traits de caractérisations de vos personnages, il est superflu de verser dans l’exhaustivité pour lui préférer la suggestion. L’essence même de cette clé repose sur le fait d’obtenir du lecteur qu’il imagine pour vous ce qui relève de l’implicite ou du caché si bien que le récit paraîtra riche et envoûtant sans avoir besoin de se répandre en descriptions et précisions inutiles. Si vous voulez absolument tout présenter et partager chaque détail de votre univers, cela nuira au rythme et le récit perdra en intensité. Travaillez plutôt les articulations entre les scènes et les interactions entre les personnages — si possible le plus conflictuel possible — au lieu d’augmenter la quantité des informations. Ce que vous croyez comme pertinent, voire indispensable, se révèle souvent sans intérêt, et risque même de provoquer des contradictions. Concentrez-vous sur les éléments qui font progresser la narration et l’évolution du protagoniste dans son aventure. Du reste, quelques révélations adroitement préparées et de ponctuels détails suffisent à enclencher l’imagination du lecteur. Ils échafauderont eux-mêmes, et sans s’en rendre compte, la réalité dans laquelle ils sont transportés le temps de la lecture. Il existe une autre application de cette clé d’écriture. Sans tomber dans la paresse ou l’excès de mystère, fonctionnez par évocation et analogie, en laissant le lecteur puiser dans ses références personnelles. Isaac Newton appelait cela « monter sur les épaules des géants » — il voulait dire par là que ses propres découvertes avaient été possibles grâce à des exploits antérieurs. Une grande part de son génie, il le savait, était son astucieuse capacité à exploiter les idées des savants de l’Antiquité, du Moyen Âge et de la Renaissance. Shakespeare, quant à lui, emprunta des intrigues, des personnages et même des dialogues à Plutarque, entre autres, car il savait que personne ne surpassait la subtile psychologie de Plutarque et ses commentaires pleins d’esprit. Loin de plagier, l’exercice consiste à identifier ce qui contribue à la grandeur de certains oeuvres pour les reproduire à son avantage. Tant de dramaturges ont déjà fouillé la nature humaine, des générations de poètes et de romanciers se sont évertuées à sublimer la folie comme la noblesse humaine. Ils ont appris à grand-peine à porter le fardeau de l’écriture : leurs oeuvres peuplent l’imaginaire humain, il n’y a qu’à s’y apparenter pour faciliter le grand plongeon dans le récit. Encore une fois, il n’est pas question de s’approprier leur talent, mais de travailler une familiarité dans la caractérisation, de façonner des ambiances connues pour mieux guider le lecteur. Bien souvent, les idées sont très semblables et l’originalité réside essentiellement dans le traitement que vous en faites. Au lieu de chercher à créer un univers complètement neuf et des personnages inédits, cherchez à vous appuyer sur ce qui est reconnaissable. Plus l’image chez le lecteur sera précise, plus il prendra goût au récit, et plus il sera surpris puisqu’il ne verra pas les éléments différents qui sont de votre plume.
par Ostramus 19 décembre 2016
— CLÉ # 9 — Le protagoniste triomphe par ses actes, non par son verbe Une victoire obtenue grâce à une argumentation ciselée suscite un sentiment d’ennui chez le lecteur, sinon peu d’émotion. Voir un individu agir capte bien plus l’attention qu’une personne qui professe de brillants traits d’esprit. Votre récit sera bien plus prenant si votre protagoniste atteint son objectif essentiellement par ses actes, et moins par son discours. L’action prime sur la parole. Dans le domaine de l’écriture, apprenez à anticiper l’effet à long terme du comportement, et en particulier des agissements de votre protagoniste envers les autres personnages. Le problème, c’est qu’en campant obstinément sur ses positions, voire en refusant de changer de méthode, le lecteur ne peut pas concevoir de l’intérêt pour un personnage dont il connaît le fonctionnement. Le récit peut avancer, mais le protagoniste ne changera pas intérieurement, pire le conflit tendra davantage à la stagnation plutôt qu’à une résolution. Dans un autre contexte, des dialogues écrits sans utilité peuvent nuire à l’histoire : toute réplique revêt une pertinence ambiguë en fonction de son sens ou de la manière dont elle fait progresser l’intrigue. Même les meilleurs dialogues ne sont pas systématiquement nécessaires et le lecteur se montrera toujours plus happé par des scènes d’action plutôt que de discussion. L’enjeu ne porte donc pas tant sur la quantité de paroles échangées entre les personnages que la manière dont le discours illustre le conflit principal au cœur du récit qui motive le protagoniste à atteindre son objectif. Quand on ambitionne de produire une histoire de qualité ou qu’on essaie de divertir le lecteur, il faut toujours chercher le moyen indirect. Et aussi choisir soigneusement ses scènes. S’il importe peu à long terme que le lecteur identifier à un personnage en particulier – ou si son intuition le portera à deviner la suite ou les secrets à venir de votre histoire – alors mieux vaut faire l’économie d’une démonstration. Épargnez votre énergie et passez votre chemin. Lorsque votre protagoniste fait la preuve concrète de sa volonté, vos lecteurs ne sont pas en position d’attente, et sont donc plus ouverts à la persuasion en voulant connaître la suite, notamment pour découvrir les conséquences des actions des personnages. Faire ressentir ce que vous voulez partager par une péripétie est beaucoup plus efficace et captivant que si vous l’exprimez par des descriptions ou des dialogues artificiels. Toutefois, le défaut du dialogue peut être retourné à votre avantage. Dans certaines situations, il distrait et couvre vos errements créatifs quand votre trame n’est pas clairement établie que vous peinez à poursuivre le récit ou à approfondir les relations entre les personnages. La discussion dissimule l’absence d’interaction. Plus le dialogue sera conflictuel, et plus le lecteur aura l’impression que la scène recèle de l’importance pour la suite de l’histoire, si bien que son attention sera plus soutenue. L’atout de cette technique est que le dialogue peut ainsi s’appréhender comme un instrument permettant de transmettre au lecteur des informations qui ne passent pas par l’action sans passer par une description introspective en cas de narration omnisciente. Retenez ceci : les dialogues sont à double tranchant. Chaque lecteur sait que, pris par l’inspiration, l’auteur s’aventure à faire dire des choses étranges à ses personnages, du moins à verser par moment dans le superflu pour enrichir l’univers ou donner un peu d’épaisseur à un personnage. Selon l’état du récit, le protagoniste se retrouve à exprimer ses états d’âme, ses doutes et parfois se livre à des réflexions philosophiques… Si la plume est plus forte que l’épée, un bon mot pèse moins qu’un acte chargé en image et en intensité. L’action frappe plus l’esprit, car elle est plus puissante pour l’imagination et porteuse de sens. Nul ne discute la matérialité d’un fait. Les poètes s’épuisent dans l’écriture de dissertation qui n’intéressent qu’eux-mêmes. Éviter à votre texte un destin aussi funeste et offrez au lecteur une expérience davantage forgée par l’explicite que l’explication. Entendons nous bien, le but n’est pas de proscrire les dialogues en absolu, mais de privilégier l’action dans une certaine situation, en particulier la résolution d’un conflit ou une victoire du protagoniste. Cela ne retire en rien l’utilité et la force du dialogue en soit, simplement qu’en pareil cas, il n’est pas forcément le meilleur outil. Après, tout le talent consiste à conférer au dialogue la nature d’une action… Ne vous dispersez donc pas. Dans un récit, la force d’un personnage se mesure à sa capacité à mettre en œuvre sa volonté plutôt que par son talent à s’exprimer.
par Ostramus 8 novembre 2016
— CLÉ # 8 — Développez l’intrigue dans un cadre Quand vous forcez quelqu’un à imaginer quelque chose, vous êtes celui qui maîtrise le récit. Il est toujours plus efficace de faire croire au lecteur ce que vous vouliez, abandonnant ses propres attentes pour embrasser votre narration. Appâtez-le avec des rebondissements inattendus, mais savamment étudiés, ensuite exploiter l’arc narratif. Le destin d’un univers est au bout de votre plume. Combien de fois avez-vous vécu ce scénario au cours de ces longues soirées à écrire? Fort de votre enthousiasme, vous entreprenez une série d’intrigues qui commencent à se déployer et enrichir l’histoire. Peu à peu, cependant, vos idées culminent, s’essoufflent, puis tout retombe comme un soufflet. Vos nombreux personnages se bousculent ; vous vous efforcez alors à tenter de maintenir une forme de fluidité et, inévitablement, tout devient complexe. Ce schéma s’explique par le fait qu’un auteur créatif est rarement maître de la situation. Désavantagé par une vision à court terme et un manque d’organisation, il est difficile d’appréhender les difficultés du récit si bien qu’elles s’accumulent. Cela conduit à échafauder des béquilles au récit pour qu’il continue à vaguement marcher pour remédier aux effets inattendus de ses propres idées maladroitement agencées. Autrement dit, écrire au fil de l’inspiration peut s’avérer handicapant pour tout autant n’ayant pas une vision claire et une trame générale prévue d’avance. Demandez-vous : quel est l’intérêt de vous dépenser sans compter pour essayer de résoudre les problèmes et de vaincre les incohérences si vous ne prévoyez pas au minimum les grandes lignes ? Pourquoi toujours inclure les fulgurances au lieu de les canaliser ? La réponse est simple : la qualité d’un récit n’est pas fonction du spontané. Ne confondez pas originalité et efficacité. Il ne faut pas interpréter ces questionnements comme une ode à la contrainte, mais davantage comme une invitation à méditer les idées et les sélectionner pour les articuler correctement dans le récit. Eliminer certaines idées et élaborer à l’avance des parties de l’histoire ne va vous brider, pour au contraire instaurer un cadre stable où vous pourrez écrire à loisir sans se disperser. Souvenez-vous : l’essence du suspens réside dans l’habilité à gérer les effets, à obtenir des lecteurs qu’ils réagissent à vos écrits, à maintenir leur attention tout le long du récit. En préparant des rebondissements en amont et construisant des révélations d’ampleur, le lecteur, vous vous rendrez maître de la narration. Vous y parviendrez à deux conditions : en apprenant à maîtriser votre engouement et à modérer votre attrait pour une idée même si sa nouveauté lui donne l’illusion d’être originale ; et, parallèlement, en misant sur la tendance naturelle qu’a le lecteur à vouloir tout savoir quand un mystère ou un conflit se développe sous ses yeux. À long terme, la capacité à organiser ses idées et à faire évoluer ses personnages selon une trame préétablie constitue un outil plus puissant que tout artifice pour compenser des intrigues inattendues. Il existe un avantage supplémentaire à conduire les personnages là où vous avez prévu qu’ils aillent : votre protagoniste est obligé de se confronter aux obstacles. Le fait d’être en milieu hostile augmentera les enjeux et naturellement, augmentera l’intérêt du lecteur pour connaître le dénouement. Pour les interactions et les conflits, il est toujours conseillé d’amener le protagoniste à évoluer sur le territoire, ou sur un territoire du choix, de l’antagoniste. Le sentiment de menace et l’incertitude quant à la réussite du protagoniste en sortiront renforcés. La préparation est un art malaisé. Sitôt le lecteur décèle la mécanique sous-jacente de votre trame, son intérêt devient de plus en plus épousé. Toute l’astuce consiste à rendre les rouages de l’histoire invisible, vous instaurez le sentiment d’une histoire maîtrisée et d’un récit sans faille. Tout dépend de la qualité du conflit. Si les antagonismes ne portent pas assez d’enjeux, l’intensité des émotions, les désirs et les objectifs de vos personnages transporteront vos lecteurs et ne devineront pas les ressorts subtils du récit. Plus l’intrigue est anticipée, plus ils seront happés par l’histoire. Les grands écrivains guerriers contrôlent leurs personnages et non l’inverse. C’est le principe du vide et du plein appliqué à la narration et au lecteur. Quand vous laissez votre imagination vagabonder, alors la force du récit, car elle s’étiole dans le manque de préparation et l’absence d’efficacité ans la progression du récit ; en revanche, tant que vous avez une idée précise de la continuité de l’intrigue et des agissements des personnages, l’histoire gagne en force. Écrire selon l’inspiration n’est ni mauvaise ni à éviter, elle participe davantage d’habitudes et de méthodes qui s’acquièrent à force d’écriture, jusqu’à devenir naturels.
par Ostramus 25 octobre 2016
— CLÉ # 6 — Captez l’attention à tout prix Tout n’est qu’impression. Ce qui ne suscite aucune émotion ne compte pour rien. Ne vous perdez jamais dans les descriptions, sinon le lecteur sombrera dans l’ennui. Surpassez-vous. Développez une intrigue captivante et provoquez une sensation à chaque phrase. Créez un style magnétique, faites apparaître votre univers plus grand, vos personnages plus profonds, vos dialogues plus vivants. En sommes, donnez du panache à vos écrits et toute l’attention du lecteur se focalisera sur votre prose. Maintenir l’intérêt du lecteur tout le long de son texte n’est pas un talent inné. Vous devez apprendre à capter l’attention « aussi sûrement que l’aimant attire le fer ». Au début de votre texte, distinguez votre univers, et en particulier votre protagoniste, par une spécificité ou une image qui installe l’ambiance de votre histoire. Cette image peut être un style travaillé, une bizarrerie de la personnalité du protagoniste qui intrigue ou un élément du monde qui dépayse totalement. Une fois l’image établie, vous avez une impression forgée dans l’esprit du lecteur. C’est une erreur assez commune de croire que cette impression singulière ne doit pas être suscitée dès le début du récit ni être perturbante ou que le fait de décontenancer le lecteur est néfaste. Cette clé d’écriture ne repose pas sur la nature du sentiment inspiré au lecteur, mais sur son intensité, et l’étendue de l’intérêt pour l’histoire qu’il engendrera chez le lecteur. Il s’agit de hiérarchiser les scènes en travaillant celles contenant des révélations ou aux charnières de l’histoire. L’accent est également à mettre aux scènes intermédiaires, faisant avancer l’histoire, pour ne pas créer l’ennui ni de l’impatience vis-à-vis de péripéties plus grandiose. Ne cherchez pas à lisser le spectaculaire, dosez-le avec pertinence. Une bonne histoire a grand besoin de personnalités sinon flamboyantes, du moins des individus qui tranchent avec la banalité du quotidien. Ne modérez donc pas les caractéristiques qui distinguent les personnages et qui attirent l’attention sur eux. Cultivez l’audace et même la controverse. Mieux vaut que le lecteur soit interpellé, voire stupéfié, que blasé. Si vos personnages ou les rebondissements manquent de lustre, cherchez l’inspiration dans les œuvres qui vous ont transporté, ou les épisodes de votre vie qui vous ont le plus marqué. C’est une méthode très efficace pour rendre votre récit captivant. Tout sentiment de colère ou de tristesse provoqué par la narration engendrera un effet similaire. Faire, et faire paraître. Un texte ne divertit pas pour ce qu’il est, mais pour l’émotion qui se dégage de la narration. L’utilisation de cet aspect de l’écriture implique un vaste éventail d’idées. Tout l’enjeu consiste par la suite à renouveler l’attention en adaptant et en variant votre méthode, faute de quoi le lecteur se lassera, se désintéressera du récit et se refermera le livre. Cette pratique exige une rigueur constante et une grande créativité. Il est préférable de créer quelque chose de spectaculaire ou de dérangeant, que de contenter les lecteurs avec des ressorts scénaristiques connus d’avance. La suggestion peut également s’avérer un puissant allié pour atteindre ce but. Ce qui n’est pas écrit a parfois plus d’impact que ce qui explicite. À retenir : le lecteur doit découvrir des révélations ou des issues à des situations auxquelles il n’aurait jamais pensé. Dès l’instant où il pense qu’il aurait pu écrire l’histoire autrement, et surtout en mieux, vous perdrez toute considération à ses yeux. Si vous montrez clairement que vous maîtrisez votre histoire en créant la surprise et l’émerveillement, vous gagnerez leur curiosité et toute leur attention portera sur vos écrits. Souvenez-vous cependant d’utiliser de tels procédés avec mesure lorsque vous êtes en phase de réécriture : il ne faut pas confondre amélioration et surenchère.
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Pour être honnête, j’ai un a priori négatif concernant l’œuvre de Romain Lucazeau, notamment à cause de la lecture – fastidieuse – de Latium . Si j’ai adoré la quasi-intégralité des idées et des réflexions peuplant le dyptique robotique (je frétille rien qu’en repensant à la création du Limes), son exécution m’avait paru laborieuse, portée par un style amphigourique. Cela étant dit, je reconnais qu’il y avait un je-ne-sais-quoi qui justifiait le succès dont il a bénéficié, et j’avoue que ma curiosité n’eut pas besoin d’être exacerbée bien longtemps pour m’intéresser à la nouvelle œuvre de l’auteur, La Nuit du faune , publié chez Albin Michel Imaginaire , décrit par mon libraire comme « Le Petit Prince avec des neutrinos ». Si une majorité de critiques dithyrambiques en parlent en termes élogieux, le considérant comme le chef d'œuvre de la rentrée littéraire, je crains de ne pas partager la bonne vision .
par Ostramus 30 mai 2021
Et si Jafar avait de bonnes intentions et que les apparences jouaient contre lui ? Après tout, nous ne savons pas grand-chose le concernant. Dans le film d’animation de Disney sorti en 1992, il n’est jamais fait mention de sa vie passée, de ses origines ni de la nature et l’étendue de ses fonctions. L’unique chose que le spectateur sait est qu’il souhaite devenir sultan à la place du sultan. Si la quête du pouvoir est rarement perçue comme vertueuse, nous ignorons pourquoi Jafar souhaite s’en emparer et ce qu’il compte en faire. En y regardant de plus près, il est tout à fait possible d’imaginer que derrière les complots, la répartie lapidaire et une apparence sinistre se cache un être dévoué qui se soucie réellement de son prochain. Aussi, mettons un instant de côté l e rêve bleu , renversons les perspectives et hasardons-nous à accorder une seconde chance au grand vizir d’Agrabah.
par Ostramus 3 mai 2021
Un long voyage de Claire Duvivier, publié Aux Forges de Vulcain est déjà sorti il y a un moment et il a connu un joli succès dans le petit monde de la littérature de l’imaginaire au regard des nombreux articles le concernant. Toutefois, certains aspects n’ont pas été évoqués, du moins à mon sens certains qui ont capté mon attention et qui soulèvent quelques questions. Aussi, je me suis fendu à mon tour d’un billet. La différence étant que je vais détailler l’entièreté de l’ouvrage et évoquer des éléments de l’intrigue. Cette critique s’adresse ainsi davantage à ceux qui l’ont lu qu’à ceux qui prévoient de le lire.
par Ostramus 27 mars 2020
Un univers désigne la réalité au sein de laquelle se trouve contenue l’intégralité de ce qui existe et où se produit l’intégralité des phénomènes physiques. Il constitue pour un individu l’ensemble de ce qu’il est en principe possible d’observer, d’explorer, et de manipuler. Si cette définition n’a rien d’universel, il s’agit de la conception adoptée pour la suite du propos. Selon cette acception commune, l’univers a la propriété d’être de taille infinie et d’être régi des lois physiques identiques en tout lieu et en tout temps. En l’état actuel de nos connaissances, l’univers dans lequel nous nous situons, du moins la portion que nous sommes en mesure d’observer et d’analyser serait unique. Même si le modèle standard de la cosmologie accuse quelques lacunes et autres difficultés à unifier la mécanique quantique et la relativité générale, il n’offre pour l’heure aucune preuve de l’existence d’un univers différent du nôtre. Pour autant, il existe des théories qui s’interrogent quant à la possibilité que notre univers ne soit pas unique, mais un parmi d’autres. Il y aurait un ensemble d’univers formant un vaste multivers.
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