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Critique - Avatar, la voie de l'eau

déc. 26, 2022

Un peu plus d’une décennie après la sortie du premier Avatar, James Cameron propose la suite directe : Avatar, la voie de l’eau. Ce film éveille un intérêt particulier non pas en raison du succès commercial du premier opus, mais au regard du talent du réalisateur pour les suites. En effet, Terminator 2 et Aliens font autorité comme étant d’excellentes suites, parfois considérées comme meilleures que le film d’origine, chacune ayant apporté un angle différent et explorant de nouveaux aspects de l’univers. Autrement dit, je suis allé voir le second film Avatar plus par curiosité scénaristique que par intérêt pour le monde d’Avatar et son histoire qui, sans être mauvais, n’a rien de fabuleux exception faite de la technique.


Le présent article divulgue tout ou partie de l’intrigue.


  
Rien de bien original

 
Pour résumer, les humains sont de retour et causent beaucoup de soucis aux Na’vi, en particulier à Jake Sully qui doit fuir la forêt. Il se réfugie avec les siens chez un autre peuple qui vit dans les îles, où il apprend les us et coutumes. Malheureusement, le conflit qu’il a laissé derrière lui le rattrape. Il s’en suivra un combat épique pour sa survie et celle des créatures peuplant le magnifique monde de Pandora.
Ne tournons pas autour du pot, le scénario s’avère une redite du premier film avec de nombreux éléments similaires traités de manière semblable :

  • Les humains possèdent une base sur Pandora et exploitent une ressource unique de la planète ;
  • La découverte d'un nouvel environnement ;
  • Une période d'apprentissage des usages de la population locale ;
  • L’antagoniste est le même militaire sans foi ni loi ;
  • Le domptage de créatures extraordinaires ;
  • Une bataille finale impliquant une grosse machine (volante dans le premier, flottante dans le second) avec dans les deux cas sa destruction qui commence par l’explosion d’un des réacteurs.

Pour faire court, c’est Avatar à la plage, avec comme rajout quelques problématiques familiales puisque le protagoniste Jake Sully a plusieurs enfants qui lui posent plusieurs ennuis. Cette suite n’apporte donc pas grand-chose de neuf. L’intrigue sert encore plus que dans le premier de prétexte pour faire découvrir le monde imaginé par Cameron. Avatar s’apparente ainsi davantage à un documentaire romancé qu’à un film de divertissement.

Passé la comparaison, je soupçonne Cameron d'avoir voulu montrer dans cette suite que la fuite n’est pas une option, les humains constituant une menace partout de toute manière. Le troisième opus montrera sans doute les Na’vi résister aux humains plus férocement. Si le deuxième film avait commencé de la sorte, nous nous serions demandés pourquoi les Na’vi ne vont pas vivre tranquillement ailleurs tandis que les humains exploitent localement l’unobtainium. Après tout, Pandora semble aussi vaste que la Terre. Il pourrait y avoir de la place pour tout le monde.

Autant je peux comprendre et apprécier l’effort de désamorcer une objection de cette nature, autant je pense qu’il n’y avait pas besoin de faire un film entier pour y répondre. Une ellipse, voire une ligne de dialogue, aurait suffi. De plus, si Cameron se souciait à ce point de répondre aux éventuelles critiques du spectateur, il eut été bienvenu qu’il applique ce soin d’écriture à l’ensemble du film, car certains choix scénaristiques interrogent.


L'étrange cas du colonel Quaritch


Au début du film, le colonel Quaritch revient d’entre les morts. Façon de parler, car il s’agit d’une copie de sa conscience, faite avant l’attaque du premier film, transférée dans un corps na’vi. Cette astuce scénaristique, en apparence simple et élégante, soulève néanmoins un certain nombre de problèmes pour un œil exercé à la Science-Fiction.

En premier lieu, il y a une courte scène avec le nouveau Quaritch na’vi visionne une archive où l’original humain lui explique que sa conscience a été copiée sur un support physique par précaution avant d’être réintroduite dans une nouvelle enveloppe. Le truc, c’est que si l’original connaissait la procédure, et que le nouveau a récupéré sa conscience, alors la vidéo d’archive n’a aucune utilité puisque le nouveau Quaritch devrait se souvenir avoir sauvegardé ses souvenirs. Il aurait été plus vraisemblable que ce soit Selfridge, l’administrateur de la base dans le premier film, qui explique avoir recréé un Na’vi pour y copier sa conscience après l’échec de l’attaque et le retour des humains sur Terre. La scène n’a donc aucun intérêt intradiégétique, et n’est donc là que pour servir un intérêt extradiégétique, à savoir expliquer au spectateur la pseudo résurrection tout en ayant une image shakespearienne d’un personnage écoutant le témoignage de son soi mort qui ne sait pas qu’il va mourir.

Ensuite, cette technologie de sauvegarde de l'esprit crée une incohérence avec le premier film. S'ils pouvaient sauvegarder une conscience pour la transférer directement dans un avatar, il aurait été plus pratique de transférer la conscience du frère jumeau de Jake Sully directement dans son avatar, plutôt que de faire venir Jake Sully qui ne connaissait rien au programme et à Pandora. Certes, il serait possible de rétorquer que la conscience du frère n’avait peut-être pas été copiée, ce à quoi je répondrai que dans le premier film, il est clairement dit que le programme représente un « très gros investissement », expliquant pourquoi ils préfèrent récupérer Jake Sully plutôt que de former une autre personne ou recréer un avatar pour quelqu’un d’autre. Ainsi, la conscience du frère aurait forcément été sauvegardée par prudence de la même manière que celle de Quaritch a été conservée sachant qu’il courrait le risque de mourir.

Enfin, la technologie tue dans l'œuf toute incertitude dramaturgique concernant le sort de Quaritch dans cette suite. J’ai vu de nombreux commentaires concernant justement la fin d’Avatar 2, les gens se demandant pourquoi son fils Spider, qui le déteste, et devrait encore plus le détester après les horreurs que Quaritch a commises, le sauve de la noyade. La raison est simple : Cameron ne pouvait pas encore le faire mourir à la fin du film, car le spectateur se serait dit qu’il pouvait revenir à nouveau dans le troisième film avec le même procédé. Cela retire tout élément de surprise et aurait été redondant. En outre, cela peut potentiellement créer un problème pour les films suivants puisque Quaritch est désormais virtuellement immortel. Même si cela prend du temps de recréer un avatar na’vi, il demeurera toujours la possibilité qu’il puisse revenir du moment qu’il existe quelque part un support contenant la copie de sa conscience.


De l'égoïsme sous couvert de prudence


De retour sur Pandora, Quaritch se lance à la recherche des Na’vi pour mieux les exterminer puisqu’ils ont l’audace de résister contre l’envahisseur humain qui détruit leur environnement. Au détour d’une mission de reconnaissance, ils tombent sur les enfants de Jake qu’il manque de capturer. Jake étant le meneur de la résistance, le chef des Na’vi, le cerveau de toutes les opérations qui mettent des bâtons dans les roues des humains, se dit que tant qu’il restera sur place, il demeurera toujours le risque que ses enfants soit capturés pour le forcer à se rendre ou à révéler des informations compromettantes sur les Na’vi. Alors il décide de quitter la forêt pour rejoindre un autre peuple qui vit ailleurs dans un archipel.

Cette fuite paraît de prime abord nécessaire et tomber sous le sens. Mais après réflexion, elle appraît très égoïste puisque Jake abandonne son peuple et renonce à sa place de chef pour rester avec sa famille, loin d’un conflit qui risque de se détériorer puisque c’est lui qui dirigeait les opérations contre les humains. Si Quaritch en a après Jake, c’est absurde qu’il reste avec ses proches. Il aurait donc été à la fois plus avisé et plus noble d’envoyer sa famille se cacher loin du front, et de rester pour continuer le combat. Un combat sur lequel Cameron jette un voile pudique puisqu’après le départ de la petite famille, il ne montre curieusement jamais comment s’en sortent les Na’vi dans la forêt.


Des aliens trop humains


Les Na'vi sont censés être l’archétype du bon sauvage, moralement supérieurs à nous, faisant de Pandora un paradis, vivant en parfaite harmonie avec l’environnement, sans conflit et ne possédant pas les défauts qui font de nous des humains. Or dans cette suite, des adolescents Na’vi se comportent de manière aussi débile que nous. 

Il se trouve que les Na’vi sylvestres diffèrent des Na’vi aquatiques, les premiers ayant une peau bleue et une queue, les autres la peau verte et une nageoire caudale. Cameron met donc en scène l’éternel mécanisme d’intolérance issu d’une différence physique avec des adolescents des Na’vi aquatiques qui se moquent des enfants de Jake Sully qui sont des Na’vi sylvestres. Non seulement ils s’en moquent, mais en plus il se montrent cruels puisqu’ils en viennent à piéger un des jeunes en l’abandonnant seul dans une zone de l’océan où rôdent des créatures dangereuses. Rappelons quand dans une scène coupée du premie film, Jake indique les Na’vi n’ont même pas de mot dans leur langue pour le mensonge…

Je trouve que cela écorne l’univers de Pandora et entame l’image d’un peuple primitif plus altier que les méchants humains. Retirer la planète lointaine et les effets spéciaux : vous avez une scène qui pourrait se passer au lycée Walter Stanford, dans l'Ohio, où Chad cherche à ruiner la vie de Brian, le nouvel élève un peu différent. On en vient ainsi à se demander si les Na’vi sont vraiment différents des humains, et s’ils ne feraient pas non plus de déforestation s’ils avaient également développé une industrie et qu’ils possédaient une technologie équivalente à la nôtre.


Essence contre raison


Je me suis toujours demandé si James Cameron avait critiqué dans le premier film les humains ou le capitalisme. Cette suite donne la réponse : le réalisateur soutient implicitement l’idée selon laquelle les humains sont naturellement des connards colonisateurs qui exploitent les ressources naturelles sans considération pour l’environnement.

Au diable la subtilité ou la critique d’une aliénation, Cameron fait dans l’essentialisme avec une grille de lecture qui rivalise de simplicité : humains vilains, Na’vi gentils. Pareil parti pris ne manque pas d’ironie quand on sait que Cameron est venu faire la promotion de son film devant des dauphins à l’Aqua Park Shinagawa au Japon, pays tristement connu pour ses captures et massacres annuels de cétacés.

Certes, il s’agit d’un film hollywoodien où la nuance est rarement de mise. Il n’empêche que le récit, sinon l’univers, résiste mal à une analyse froide et rationnelle du contexte tel qu’il nous est décrit. Déjà, les humains n’exploitent plus l'unobtainium, alors que l'arbre maison a été détruit dans le premier film, laissant le gisement de minerai libre d'accès. Au passage, cela rend du coup l'attaque de Quaritch complètement inutile. Il n’est pas montré s’ils l’exploitent toujours ni pourquoi ils ne cherchent pas à récupérer le matériel de leur première base. Au lieu de ça, les humains chassent les tulkuns (sorte de baleines avec plus d’yeux et de nagoires) pour récupérer une substance dans leur organisme qui permet de stopper le vieillissement. Salauds d’humains qui ne veulent pas mourir ! Résumons la situation : les humains construisent une flotte de vaisseaux spatiaux pour transporter une quantité phénoménale de matériel sur une autre planète pour y construire une base gigantesque qui héberge un complexe industriel lourd en plus d’un port où mouille un énorme navire, avec à son bord un important équipage et pléthore de robots sous-marins, servant à la chasse au tulkun, qui se fait à l’aide d’explosifs et de canons à ultrason. Le coût de revient de la substance antivieillissement doit être extravaguant.

Le truc, c’est que l’unobtainium, on peut admettre qu’il n’est pas possible de faire autrement. Il ne se trouve nulle part ailleurs que dans certains gisements localisés sur Pandora, si bien qu’ils n’est pas possible de faire autrement que d’éventrer le sol à l’autre bout de l’univers pour l’extraire. Mais pour une substance organique, il peut y avoir des alternatives. Malgré ses défauts, le capitalisme recherche toujours l’efficacité, et il paraît peu probable que les humains du futur n'aient pas cherché à obtenir cette ressource plus simplement.


   
Depuis le premier film, nous savons que les humains ont la possibilité de récupérer et modifier de l'ADN na’vi puisqu’ils ont réussi à créer les avatars, ce qui suppose la maîtrise d'une technologie génétique très avancée. En ce cas, il aurait suffi de récupérer de l’ADN tulkun pour les cloner et en faire un élevage afin de récupérer la précieuse substance. De la même manière qu’ils ont pu créer des organismes sans conscience dans le premier film, rien n’aurait empêché de créer des tulkuns artificiels, sans conscience, pour en faire l’élevage en bassin. Cela aurait été une solution éthiquement et économique bien plus viable que celle visible à l’écran.


La beauté ne suffit plus


Le film reste un spectacle plaisant et visuellement ébouriffant. Il est juste regrettable que le scénario, du moins la vraisemblance, demeure toujours le parent pauvre du cinéma, alors que l’écriture est ce qui coûte le moins cher dans la production d’un film, et que son amélioration ne peut qu’améliorer en retour la qualité de l’œuvre finale.




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