Créer un univers cohérent

3 octobre 2008
Selon moi, il existe deux types de récits, deux types d’univers. Les mondes stables et les instables.

Un monde stable est un monde simple. Je l’ai dit plus haut, les meilleurs récits, du moins pour les débutants, y sont les plus simples. Il me plaît d’ailleurs de dire qu’en biologie, c’est toujours l’organisme le plus simple qui survit, donc qu’il est bienvenu de faire de même en littérature. Néanmoins, je tiens à faire la différence entre un récit stable et un scénario stable : le récit est le fait de raconter une histoire, tandis que le scénario est la trame selon laquelle se déroule l’histoire.
Ainsi, un récit simple peut avoir un scénario complexe, fait d’histoires parallèles avec des personnages à foison. Le truc, c’est que l’univers, et notamment ses règles, doivent être précises et simples ainsi que son fonctionnement.
Une différence que je ferais c’est que dans un monde stable, le lecteur a une idée d’où va le scénario ; il ne sait pas exactement ce qui va se passer, mais trace plusieurs hypothèses, et plus le récit est facile plus il s’abîme dedans pour en tirer du plaisir. Sa lecture sera animée par l’envie de savoir ce qui se passe par la suite, et si ce qu’il pense est vrai ou faux.
Pour un univers instable, le lecteur est tout aussi ignorant sauf que l’univers est si complexe ou ses règles trop obscures qu’il ne pourra pas faire des hypothèses. Alors que dans un récit stable il pourra être surpris car le lecteur verra son imagination confirmée ou non, dans un récit instable la surprise sera moindre puisqu’il ne fera que suivre le scénario.



La stabilité, c’est offrir une maîtrise au lecteur ; lui donner certaines clés. Il peut lui-même construire ses histoires dans le récit puisqu’il a des règles, et sait ce qui est possible ou non. L’instabilité au contraire, c’est un récit sans règles, où tout peut arriver, où on ne peut pas projeter l’avenir du héros. On ne peut pas se dire « il va faire ça, mais que va-t-il faire face à ça ? », car les évènements sont tous incohérents.

Par exemple, un manga que j’ai lu il y a une semaine, dans un univers instable : les héros doivent réunir des pièces sacrées pour rendre à un panda l’apparence humaine, il lui en faut cinq. À un moment le panda au neuvième épisode découvre tout d’un coup une porte qui permet de renvoyer les héros vers leur monde d’origine (premier deus ex machina) ; ils ne veulent pas parce que le panda n’est pas transformé, mais il leur explique que finalement, quatre pièces sacrées lui suffisent (deuxième deus ex machina). À partir de là, l’histoire n’a plus aucun sens, on ne s’intéresse plus aux destins des héros car il n’a pas de logique, toutes les bases du récit peuvent être changées à tout moment.


La stabilité tient beaucoup aux règles, plus elles sont données tôt dans le récit, plus lecteur pourra comprendre son fonctionnement et suivre l’histoire. Je déconseille cependant de faire un long prologue ou un premier chapitre indigeste avec toutes les spécificités de votre monde. Je dirais qu’il faut établir les plus importantes, pour ensuite apporter les règles et les éléments qui en découlent et/ou qui en sont des nuances. Cela ne fera que renforcer le monde que le lecteur se sera construit du récit.

La stabilité est donc intrinsèque à la cohérence et la structuration du récit. Comme une description où il faut partir du général pour aller au particulier.


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