Qui n’a jamais rêvé de finir déchiqueté par une créature inconnue sur un monde lointain, de dériver dans le vide sidéral sans possibilité d’être secouru, de voir ses proches mourir dans d’atroces souffrances et d’assister à la dislocation d’un vaisseau malgré sa technologie avancée ?
Si tel est votre ambition et que vous comptez participer à une expédition spatiale qui se vautre magistralement, ne cherchez pas plus loin, et lisez attentivement les conseils qui vont suivre. Avec un peu de chance, Ridley Scott fera un film sur vous.
1. Recrutez une équipe minable
Un voyage dans l’espace constitue l’une des choses les plus complexes qu’ait jamais réussi à accomplir l’humanité. Un vaisseau et les relations entre les individus s’apparentent à une horlogerie précise où chaque personne à un rôle selon des compétences poussées dans un domaine particulier de sorte à faire fonctionner l’astronef au mieux.
Sachant que votre objectif est d’avoir une avarie, de devoir à gérer des dysfonctionnements et, espérons-le, des intrusions, tout repose sur la règle des trois « i ». Pour un désastre assuré, tentez de faire en sorte que l’essentiel de votre équipe soit :
Le nec plus ultra du voyageur dangereux et irresponsable est un croyant. Plus votre acolyte versera dans le mystique et le religieux, plus il négligera ses connaissances scientifiques pour miser sur des intuitions foireuses et des principes improbables. Si les tensions s’installent comme prévu entre les membres, il viendra à rejeter tout propos logique et les ordres, voire cherchera à saboter les équipements à bord.
2. Veillez à avoir un matériel inadéquat
Avant toute chose, prenez soin de choisir un vaisseau spatial de conception médiocre pour votre expédition. Qui dit expédition, dit objectif noble, donc oubliez tout ce qui est armement et système défensif. Les capsules de secours s’avèrent optionnelles pour qu’en cas de problème, la fuite soit une aimable illusion. De la même manière, si vous comptez avoir une navette pour atteindre le sol sans avoir besoin de faire atterrir le plus grand vaisseau, prévoyez-en une seule. Ce faisant, si une équipe est bloquée sur une planète étrange, soit vous ne pourrez pas les secourir, soit vous devrez compromettre l’astronef principal. Dans tous les cas, il faudra paramétrer une pression artificielle très forte, pour que toute dépressurisation provoque de fortes décompressions.
De plus, automatisez le maximum de mécanisme et proscrivez toute commande manuelle de surcroît à proximité (si vous ne pouvez pas vous en passer, placez-les dans des lieux difficilement accessibles, voire à l’extérieur du vaisseau) : votre survie sera ainsi fortement compromise en cas de panne, sabotage ou dysfonctionnement de l’unité centrale.
Globalement, optez pour un appareil à l’esthétique composite et étendue pour avoir le maximum d’impact. Plus le vaisseau a de la surface, plus il est susceptible d’avoir une résistance mécanique faible, et d’être ainsi exposé à des débris stellaires. Une structure faite de plusieurs modules assemblés sera fragile et rallongera les déplacements. L’air étant rare dans l’espace, il n’y a rien de plus intelligent que de le disperser au maximum.
Si possible, il ne faut surtout pas de bouclier physique, thermique ou énergétique. Conseillez aux ingénieurs des parois fines, faciles à tordre et à percer. Ne mettez aucune tuile de protection pour prémunir contre une rentrée atmosphérique : étant donné que vous ou quelqu’un de votre équipage prendra forcément la décision absurde de se poser, autant prévoir une catastrophe dans les règles de l’art. Un bouclier énergétique est à proscrire. Ainsi bombardés par les radiations cosmiques, les passagers seront sujets à des cancers et les appareils subiront toute sorte de dérèglement, notamment votre unité centrale. Accessoirement, l’absence d’une telle protection vous rendra vulnérable dans l’éventualité où vous croiseriez la route d’un appareil hostile.
Autre détail auquel apporter une attention particulière : les caissons de cryogénisation. Installer dans le vaisseau des modèles qui ne peuvent pas s’ouvrir de l’intérieur, et inversement, depuis l’extérieur. En cas de panne ou de dysfonctionnent, la malheureuse personne périra asphyxiée ou carbonisée dans sa capsule. Une variante consiste également à s’assurer de l’impossibilité de se rendormir une fois éveillée. Dans le cas de trajet durant des années, voire des décennies, une personne se réveillant trop tôt sera soit condamnée à errer dans le vaisseau seule, soit à faire dévier l’appareil de sa trajectoire pour tenter d’aller sur un autre monde.
3. Embarquez un androïde défectueux
Un robot à bord s’impose comme la meilleure idée possible, à condition qu’il réunisse toutes les propriétés de la menace insoupçonnable et insoupçonnée.
Naturellement, dotez-le d’une intelligence artificielle instable et inaboutie. Il comprendra mal les enjeux impliquant de l’émotionnel et de l’humain. Avec un peu de chance, il sacrifiera tout l’équipage pour respecter des règles programmées en amont, dont tout le monde ou presque ignore l’existence. Cela implique de ne pas graver dans le code source de la machine les règles de la robotique ou les lois de l’Automate pour être certain d’engendrer des situations défiant l’entendement.
En outre, assurez-vous de l’impossibilité de le désactiver l’androïde, du moins facilement, sinon à distance. Ce serait bête d’avoir le contrôle sur un robot dès lors qu’il commencerait à dérailler. Pour le coup, essayez de dégoter un robot extrêmement solide et perfectionné afin d’hypothéquer toute chance de lui faire obstacle. Inversement, un robot fragile et encombrant nuira à vos objectifs tout en ne constituant pas un outil efficace contre une menace.
4. Instaurez une hiérarchie floue
Une expédition à l’autre bout de l’univers nécessite un minimum d’organisation. Non pas dans le sens où l’ordre revêt une nécessité pour coordonner efficacement les rapports humains, mais un minimum pour engendrer le chaos et briller dans l’approximation. Le plus commode est de désigner un chef, et c’est tout. L’astuce consiste à donner des titres aux membres de l’équipage, comme second, adjoint, co-quelque chose, sans indiquer clairement leur position dans l’organigramme de la mission. Chacun ira de son ego de ses brillantes idées pour tenter d’imposer une idée inepte au reste de l’équipage, créant des tensions et du ressentiment. Si tout se passe mal comme prévu, le capitaine mourra, laissant l’équipage en proie à des arguties politiques.
Cependant, vous n’êtes pas à l’abri qu’un quidam, las de discussions creuses, prenne des initiatives en sauve la situation. Pour prévenir ce genre d’issue heureuse, il convient préalablement de donner des ordres différents à différentes personnes. Les enjeux deviendront contradictoires.
5. N’étudiez rien
Si par malchance vous n’avez pas péri en cours de route, il se peut que vous atteigniez une planète. Une fois sur place, vous cherchez à vous poser selon qu’un membre d’équipage déborde d’enthousiasme, que vos avaries soient trop importantes pour demeurer plus longtemps dans l’espace ou que vous avez capté un message incompréhensible (le must est les messages de détresse, voire d’avertissement, qui sont la garantie d’un carnage assuré une fois sur place).
Aussi, lorsque vous entreprendrez de vous poser, gardez-vous de savoir où vous mettrez les pieds. Surtout, ne cartographiez pas ce nouveau monde. Vous venez de passer des mois, voire des années en hibernation, c’est vrai que vous ne pouvez pas vous permettre quelques jours en orbite pour analyser une planète totalement inconnue. Ne vous souciez pas des niveaux de radiation, de la pression atmosphérique ou de la présence d’agent pathogène. Dans l’éventualité où une tempête ferait rage à la surface de la planète, calculez un plan de vol pour vous y poser, et n’attendez surtout pas qu’une amélioration des conditions météorologiques.
Faites preuve d’imprudence, de naïveté et d’inconséquence en recueillant le moins d’information utile. Mettez à profit le temps de repos pour accentuer les tensions au sein du groupe plutôt que de tenter d’en savoir plus sur les éléments qui perturbent votre expédition.
6. Ne suivez pas les protocoles
Les maîtres mots sont désorganisation, obstination et inadaptation. Autrement dit, il faut élaborer quantité de moyens de contourner la hiérarchie et les systèmes prévus pour éviter le pire. Prévoyez des procédures de destitution, des moyens de rendre inopérant certains secteurs du vaisseau pour y piéger les réfractaires, et surtout, programmez n’importe comment l’unité centrale. Un moyen pratique d’outrepasser une barrière de sécurité consiste à donner aux membres d’équipages des codes, des clés ou des passes magnétiques pour forcer le système. Cela donnera un semblant d’importance à chaque personne, et forgera l’illusion d’agir de manière responsable, alors qu’il n’y a rien de plus insensé de désactiver les protocoles conçus pour garantir votre sécurité.
Il convient également de tenter de ne pas respecter ce qui prévu, comme les plans de vol. Cherchez toujours un prétexte fumeux pour faire dévier le vaisseau de son objectif initial, par exemple un signal de détresse incompréhensible, une tempête stellaire ou une attaque par un ennemi. Il s’agit de ne pas essayer de retourner à une situation à votre avantage pour persister dans la poursuite du pire.
Ainsi, ne vous laissez pas guider par la rationalité, et épargnez-vous une analyse calme de la situation. La précipitation en toute circonstance est la meilleure recette pour donner lieu une tragédie.
Vous pouvez également donner un pouvoir exorbitant à l’unité centrale qui gère le vaisseau sans avoir la possibilité de contourner ses systèmes. Elle veillera ainsi à suivre des procédures forcément inadaptées aux situations inconnues et imprévues, causant plus de tort à l’expédition que tout ce qui pourrait menacer l’équipage.
7. Affranchissez-vous de toute précaution sanitaire
8. Vagabondez dans l’espace sans protection
Un trou dans la coque, une manipulation manuelle à faire ou besoin d’aller à un endroit inaccessible si ce n’est pas l’extérieur ? Optez pour le pire choix possible : flotter dans le vide sans vous cramponner et sans vous attacher. En théorie, l’exercice est inédit pour vous et votre équipage, si bien que vous manquez d’entraînement et ne maîtrisez pas bien votre progression dans le vide. Chaque sortie extra-véhiculaire deviendra autant de tragédie à mesure que les problèmes s’accumuleront.
Veillez à consommer rapidement votre air en ne maîtrisant pas votre respiration. Tâcher de gaspiller votre carburant soit en vous amusant dans le vide soit en voulant aller vide. De plus, prenez des initiatives inconsidérées et éloignées du vaisseau dès que l’occasion se présente. Si vous déviez de votre trajectoire ou que vos réserves se tarissent, vous aurez ainsi l’assurance d’être rejoint par un vos brillants acolytes. Toute l’ironie consiste à le voir mourir pour vous sauver de sorte que le chagrin ronge les autres membres d’équipage et qu’ils conçoivent de la rancœur envers vous.
9. Ayez des priorités à géométrie variable
Une expédition spatiale se distingue par sa rareté et ses enjeux si bien que l’intérêt d’un trajet vers un autre monde sert l’intérêt de multiples protagonistes. Faites en sorte que l’équipage représente chaque partie, chacune ayant une légitimité à commander l’autre. Un représentant de la compagnie voudra faire passer les impératifs de rentabilité tandis qu’un militaire aspira à asseoir le pouvoir du drapeau qu’il sert quitte à créer un incident diplomatique. Faire passer les intérêts privés et du plus petit nombre avant la sûreté publique et l’intérêt du plus grand nombre produit des effets le plus souvent tragiques. Un scientifique fera fi des considérations personnelles pour étendre ses connaissances au péril de sa propre vie, et espérons-le pour voue, de celle des autres.
La clé de voûte d’une mission désastreuse est le fait de changer les objectifs quand tout se passe bien et de ne rien faire quand tout va mal.
10. Tentez d’apprivoiser une forme de vie inconnue
Vous n’êtes pas seul. Une myriade d’entités et de créatures étranges peuplent l’univers et pullulent à la surface de nombreux mondes. La quasi-intégralité d’entre elles est hostile à l’humanité et ne se comporte pas d’une manière logique, en tout cas semblable aux êtres vivants sur Terre. Les chances de tisser une relation pacifique avec ces organismes extraterrestres sont proches de zéro. Alors je vous en prie, ne vous retenez pas de tordre les statistiques. Lorsqu’une forme noire se dressera face à vous, avancez-vous les bras ouverts.
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