L’erreur habituelle de l’écrivain est de croire que la nouvelle est facile à traiter. Les difficultés sont présentes et sont très conséquentes.
Les pièges
Premier piège : c’est court, donc c’est plus accessible. Faux. Si l’auteur fait une faute dans un roman, cet accroc sera noyé dans le récit puis oublié ou pardonné par le lecteur. Par contre, dans un texte court, le lecteur n’oubliera pas et il en sera marqué. La moindre bévue dans les nouvelles nuit énormément à la qualité du texte, contrairement aux romans.
Second piège : encore croire, oui c’est bien une manie, que la valeur ou l’intérêt du texte est rigoureusement égale à l’idée ou la chute. Si la fin de la nouvelle est mal amenée, alors la chute est gâchée. Ou bien pire, le lecteur aura abandonné le texte. Le récit doit desservir la chute, la préparer et la rendre délectable. Un texte à chute, c’est comme un repas. Si le plat principal servit par le restaurateur est infâme vous n’avez pas envie de goûter au dessert et ni même de revenir dans l’établissement.
"Tout écrivain, pour écrire nettement, doit se mettre à la place de ses lecteurs."
Jean de La Bruyère
L’auteur doit s’effacer de son rôle de créateur lorsqu’il se relit. Il se doit d’être exigeant envers lui-même. Dans son travail de relecture, il tient à vérifier que son récit est bien construit et compréhensible. La qualité première d’un écrivain est d’être un lecteur.
"L´art d´écrire est avant tout de se faire comprendre."
Eugène Delacroix
Les techniques d’écriture ne seront pas traitées ici, mais il convient qu’un minimum est requis pour se lancer dans les textes à chutes, contrairement aux apparences. Chaque mot à un rôle notoire dans le récit. Il faut pouvoir décrire et faire comprendre.
"Qui ne sait décrire ne sait écrire."
Francis Wey
Les artifices des textes à chutes sont de traiter de sujets classiques ou clichés fadement. Par exemple, en fantastique ou en science-fiction, il est épineux d’être original. Les auteurs, depuis les créations de ces genres, ont exploité maintes idées. Même si vous pensez avoir eu l’idée du siècle, un auteur a déjà du l’avoir il y a quelques années avant vous sans que vous le sachiez… Le défi est de faire original avec des idées pas forcement neuves. Votre intrigue et vos descriptions vont devenir la valeur de votre nouvelle. A quoi bon d’avoir une bonne idée, si c’est pour la desservir par un récit ennuyeux et affreux à déchiffrer ?
Il faudra travailler le style et le récit (personnages, lieux…) pour donner de la consistance et de l’intérêt aux yeux du lecteur.
Les chutes classiques
Vous allez raconter l’histoire de quelqu’un, tout paraîtra normal jusqu’à la fin où on apprend que c’est une forme de vie extraterrestre !
Vous décrivez l’environnement extérieur, un bout de vie et à la fin on apprend que vous êtes un chien ! (Équivalent non sf de la chute précédente). On peut aussi prendre un point de vue extérieur, ou bien alors décrire un objet à la place d’un animal.
Un homme, souvent anonyme se retrouve à effectuer un travail éternel qui va être cyclique et atroce optionnellement. C’est le phénomène du cycle ou le complexe de Sisyphe, inspiré du célèbre châtiment de Sisyphe : condamné par les dieux de l´Olympe à rouler une pierre au sommet d´une colline. La pierre retombait toujours au dernier moment, forçant Sisyphe à recommencer à jamais.
Le syndrome du sexe mortel, présente un homme (A chaque fois !) qui se tape une belle créature (Vampire ou n’importe) et finit par se faire bouffer (On est surpris !) .
« Et Paul se réveilla ! »
"Dès qu’une pensée me séduit, j´en cherche le piège."
Paul Carbone
Une personne habituée à lire des textes à chutes n’a pas une démarche innocente. Elle ne prend rien pour acquis et ne se fie pas aux clichées. Qu’est ce qui lui prouve que votre personnage principal, qui se promène dans la rue en regardant les boutiques, n’est pas une forme de vie extraterrestre à quatre têtes, six bras et cinq tentacules ? Ou bien un pékinois ? Un objet quelconque ?
Étonner et émouvoir
La chute ratée est celle qui ne provoque pas d’étonnement et aucune émotion.
"Cette chose que l´on nomme échec n´est pas une chute, mais une interruption."
Mary Pickford
Votre chute ne doit pas être qu’une interruption du récit. Elle doit le clore et parfois ouvrir de nouveaux horizons sans laisser votre lecteur sur sa faim. Le texte doit pouvoir être relu, dans le meilleur des cas sous un nouvel angle, sans que le lecteur n’y trouve aucune incohérence. Par exemple, un texte de science-fiction doit rester en accord avec sa propre logique.
La SF peut raconter n´importe quoi ; mais pas n´importe comment; c´est un univers qui créé sa propre logique.
Denis Guiot
Il est préférable que votre chute ne tombe pas à plat. C´est-à-dire, par exemple, votre texte se déroule parfaitement et… Paf ! La dernière phrase coupe le récit et impose une fin qui parait propulsé de nulle part. Elle semble ne pas être imbriqué dans le texte et s’inviter sans votre autorisation. Le lecteur est mécontent, car il ressent cette fin comme une escroquerie de votre part. Vous avez écrit, puis tiens vous vous êtes décidé à mettre la fin ici et pas ailleurs d’un coup.
"La tromperie, si elle fait dîner, ne fera pas souper."
Proverbe peul
Ce type de fin n’est pas toujours le plus adaptée, mais pour quelques textes elle parait inévitable. En illustration, vous mettez en scène une multitude de clichés dans un conte, avec un beau prince qui va pourfendre un sorcier. A la fin, on annonce qu’ils se sont bien trouvé. Puis la dernière phrase tranche le tout, en annonçant qu’ils se pacsent. On pressent une fin absurde dans ce genre de récit et elle est inéluctable. Le lecteur va peut être penser à cela, mais son esprit va lui dire d’oublier car c’est trop aberrant.
L’écrivain peut, et se doit, de jouer avec ces clichés. Mais, il ne doit pas le faire avec simplicité et se baser uniquement sur eux pour assurer la réussite de son texte. C’est ici qu’un style peut rendre le récit excellent. Il fera passer à la lecture avec plus de facilité tous les clichés que vous allez décrire, par contre si c’est mal écrit… Ce sera une autre affaire.
Toutes les chutes sont mauvaises… sauf les chutes de reins.