Le genre du steampunk connaît aujourd’hui un certain succès de par son esthétique particulière, combinant Belle Époque (ou époque victorienne, c’est selon) et hypertrophie de machineries à vapeurs qui forment le socle de cet univers. Pourtant, en littérature, le « punk à vapeur » est une espèce plus rare. Bien que sous-genre de la Science-Fiction né dans les années 1980, il ne connut jamais la même postérité que ses grands frères tels que le space opera ou le cyberpunk, dont le nom partage pourtant la même parenté, attribuée d’abord par raillerie journalistique. Cela étant, ses origines remontent à la fin du XIXe siècle en France, sous les plumes de Jules Verne et d’Albert Robida ; un grand comble quand on sait que les auteurs français ne s’en réapproprièrent les codes que très tardivement, contrairement aux Anglo-saxons. Le steampunk a lui aussi engendré pléthore de sous-genres plus ou moins bâtards, comme l’airpunk ou le dieselpunk.
Néanmoins, d’aussi nobles origines ne suffirent pas à en assurer la consécration littéraire. Fruit d’un délire entre écrivains étasuniens, les premiers récits de steampunk ne se prennent pas aux sérieux (sauf peut-être Le Poids de son regard de Tim Powers), raillant volontiers une époque révolue dans une vaste toile satirique que Charlie Hebdo n’aurait pas reniée. Moqué par la presse d’alors, le genre fut condamné à vivoter, apprécié par un cercle restreint d’écrivains et de lecteurs. De même, à l’instar de la figure du zombi, le steampunk ne bénéficie pas d’une œuvre canonique. Cet élément se retrouve dans tous les grands genres littéraires, qu’il s’agisse de la littérature vampyrique avec Dracula, le space opera avec Fondation, et bien sûr la fantaisie avec Le Seigneur des Anneaux. De plus, contrairement à ces derniers, les écrits du XIXe se trouvent bien trop éloignés de nous pour représenter un véritable creuset, sans bénéficier de la même évolution séculaire.
Pourtant, le steampunk devient aujourd’hui un phénomène de culture populaire. Chaque convention a son lot de costumés, certains films en pastichent l’esthétique, comme les Sherlock Holmes de Guy Ritchie. À l’instar du zombi dont nous parlions, l’absence de figure littéraire n’a pas empêché ce curieux atavisme, au contraire même. Nous ne voyons pas autant de personnes se travestir en personnages chimériques issus de l’univers vernien. Bien entendu, un autre média peut influencer fortement cette tendance. Le cinéma demeure le plus puissant vecteur d’imaginaire qui soit, comme en atteste son imposition des codes baroques de Dracula, par les incarnations de Béla Lugosi et Christopher Lee, qui persistèrent longtemps dans l’imaginaire collectif. Les films mettant en scène le plus fameux détective de Grande-Bretagne contribuent de la même manière à répandre certains codes du steampunk, à défaut d’avoir un jour une adaptation de Robur le Conquérant digne de ce nom. Pour le moment, le steampunk demeure une sorte de mort-vivant littéraire ; bénéficiant de moult histoires, certes, mais à réduits à une dimension toute intimiste, malgré de nombreuses tentatives de démocratisation.
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